vendredi 28 décembre 2007

Le livre

Le roman « Les Tambours de Louis » est né de la rencontre avec un homme, un musicien dont la photo aurait pu faire la couverture des magazines spécialisés. Mais cet homme a choisi la marge et l’anonymat. A une époque où de plus en plus de gens rêvent de célébrité, rêvent de passer à la télé pour un oui ou pour un non, c’est un paradoxe qui méritait d’être souligné. C’est ce que tente de faire ce livre.
Ce livre parle de musique. Des musiques d’aujourd’hui, et de leur histoire.
Il parle d’un artiste. Il parle d’un maître écorché.
Il parle de guerres.
Il parle de douleurs, et de jouissances.
Il parle de voyages.
Voyage d’un petit garçon sur les routes de France : c’est l’exode, au début de la Seconde Guerre Mondiale.
Voyage d’un jeune homme vers le pays du Matin Calme, la Corée : c’est en uniforme, pour la guerre.
Voyage du même jeune homme, à moto, tous les mois, d’une ville sidérurgique de Lorraine, où il est ouvrier, vers une ville-lumière, vers Paris. Avec, sur le porte-bagages, une caisse claire, une paire de baguettes, une méthode, un cahier, une tranche de pain et une boîte de sardines. Et à l’arrivée : Kenny Clarke, pour un cours de batterie. Kenny Clarke, le père du be-bop - aux côtés de Charlie Parker et Dizzy Gillespie - et de la batterie moderne, l'un des grands inventeurs de la musique de jazz, dixit Le Dictionnaire du Jazz, paru dans la collection Bouquins, chez Robert Laffont.
Voyage d’un autre temps aussi : c’était, sur des bateaux négriers, celui de millions de femmes, d’hommes, d’enfants arrachés à leur terre africaine pour devenir les esclaves d’un Nouveau Monde et payer de leur sueur et de leur sang le développement des Etats-Unis d’Amérique.
Voyage clandestin, plus secret, d’un petit rien, de quelque chose comme un mouvement imperceptible, qui a accompagné le précédent : une particularité musicale, tellement petite, qu’elle a pu tenir dans le seul bagage que les esclavagistes ne purent contrôler : le corps et l’âme, body and soul, des captifs.Ce petit rien, c’est la syncope.
Voyage donc, de la syncope, d’Afrique vers le Nouveau Monde, et du Nouveau vers l’Ancien : déjà atteinte, l’Europe reçoit le coup de grâce, l’Europe est définitivement touchée par la grâce, après la Seconde Guerre Mondiale, au contact des boys américains. L’Europe sera jazz, et définitivement In the mood.La syncope est une maladie musicale qui sert à guérir la phrase, dit Kenny Clarke au jeune homme.Et cette syncope a bouleversé le paysage musical d’Occident, et la danse. On ne danse plus guère la valse ; quant aux autres danses, elles ont quitté la piste pour devenir « folkloriques ».
Voyages d’autres artistes aussi, vers les pays de la syncope, et retour : l’art nègre avait la cote bien avant l’arrivée des boys. Cette syncope, les musiciens nous la font entendre. Picasso, Matisse, Paul Klee, Juan Miro, et d’autres, nous la donnent à voir…
C’est de tout cela que parle le livre, et d’autres choses encore :d’accidents, de dissonances, d’accordéon, de chères sœurs, d’oies qui se sauvent, de buis qui crève, et de canards sauvages,et de rythme, surtout de rythme, rien que de rythme…

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