samedi 4 décembre 2010

Le spectacle "Syncope": l'avis de Jean-Jacques Didier

Loué lors de sa sortie par des spécialistes du roman (Pierre Mertens, Vincent Engel) autant que par ceux du jazz (Philippe Baron, Jacques Chesnel, Laure Albernhe, Paul Benkimoun, critique littéraire et musical du Monde), le roman Les tambours de Louis, de Lucien Putz, appelaient une mise en voix et en musique, tant son écriture est musicale. C’est chose faite, et remarquablement faite, grâce à la troupe de musiciens et d’acteurs du Grand Asile (basée à Bellefontaine, commune de Tintigny, province du Luxembourg).

Sur scène, deux comédiens, deux comédiennes et deux musiciens disent, miment, jouent, dansent l’épopée qu’a été la vie de Louis Mellyne. Celui-ci, accordéoniste puis batteur de jazz hors pair, a aussi, à l’égal des grands du jazz contemporain, brûlé la vie par les deux bouts : éternel rebelle à tous les conformismes, il a tâté de la castagne dans la guerre de Corée, battu le fer dans les aciéries de Lorraine, essuyé des bagarres dans les bals où il jouait (« Louis, arrête de jouer comme les Nègres ! »), avalé les routes d’Athus à Paris et retour pour suivre les cours de Kenny Clarke qui aurait aimé l’emmener à New York.

Syncopes rend fidèlement compte de la dureté des temps sur un ton parfois militant, parfois par une expression plus oblique mais tout aussi convaincante. Aïcha, dont on aimerait connaître le nom de famille pour l’inscrire lumineux au faîte de cette production, mène son monde avec finesse et vigueur, avec les moyens du spectacle total. Ceux-ci sont pourtant de matériau modeste : cartons, corde à linge, écran pour des ombres chinoises, et quelques oripeaux, mais quel peps insufflé ! Et quelle riche idée de faire virevolter les rôles d’un comédien à l’autre, chacun devenant tout à tour le narrateur, la mère tyrannique, le frère aîné, tel soldat, tel employeur… Quant aux musiciens, ils incarnent par des intermèdes parfaitement intégrés la part indicible de cette passion qui aura frappé de plein fouet la vie de Louis Mellyne : la syncope.

Il faut donc citer tout le monde : Déborah Barbieri (comédienne), David Claeyssens (comédien), Jean-Baptiste Claisse (batterie, création sonore), Sébastien Cugnon (accordéon, guitare, création sonore), Hélène De Wilde (comédienne), Boris Maxant (comédien)Et dans les coulisses Jean-François Catry (création lumière), Isabelle Pêcheur (création vidéo), Eléonore Gaillet (costumes et scénographie) et Aïcha (mise en scène).

Jean-Jacques DIDIER
Chargé de cours
Institut libre Marie Haps, Bruxelles

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